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De nos jours, la majorité de nos concitoyens part en vacances chaque année. Ne pas partir représente souvent une situation d’exclusion supplémentaire pour les personnes concernées.
Depuis la loi de juillet 1998, relative à la lutte contre les exclusions, le législateur a fait de cette question un enjeu de citoyenneté à travers l’article 140 : "l'égal accès de tous, tout au long de la vie, à la culture, à la pratique sportive, aux vacances et aux loisirs constitue un objectif national. Il permet de garantir l'exercie effectif de la citoyenneté". En effet, les vacances sont l’occasion de se sentir comme tout le monde mais aussi de se (re)trouver en se confrontant aux autres, ailleurs.
De plus, les dispositifs d’aide au départ en vacances représentent, sous certaines conditions, un formidable levier de prévention ou de lutte contre les situations d’exclusions pour les structures de terrain, notamment à travers les espaces de rencontres et d’expérimentations qu’ils offrent aux "bénéficiaires de l’aide".
En effet, la perspective du départ, rarement envisagée a priori, invite les individus à entrer dans une dynamique de projet au regard de l’éventuel bénéfice que le séjour pourra leur apporter. Cette implication permettra ainsi la mobilisation de compétences sociales (savoirs, savoir-être, savoir-faire) éventuellement transférables à de nouveaux projets (vacances ou autres).
Par ailleurs, le calendrier de réalisation de ce type de projet laisse souvent entrevoir un changement de regards réciproque avec des individus qui donnent à voir de réelles compétences plutôt que des difficultés, et des salariés ou bénévoles qui offrent un nouveau visage en proposant un projet "ludique" et valorisant car "rare". Cette durée conjuguée à de nouvelles relations de confiance qui s’instaurent, peuvent mettre à jour des difficultés qui n’auraient peut-être jamais été exprimées sinon (logement, santé, parentalité, illettrisme, budget, accès aux droits, scolarité, emploi/formation, etc).
Des "ricochets" individuels seront alors favorisés par une confiance en soi restaurée. Les individus seront dès lors mobilisés seuls ou accompagnés par un salarié ou un bénévole dont les compétences iront dans le sens de ces nouveaux projets…
Après avoir délimité les objectifs et les effets escomptés à travers ce type de projets, le salarié ou le bénévole missionné à cet effet, pourra envisager d’informer les futurs vacanciers en fonction de critères d’accès (niveau de Quotient Familial par exemple) voire de critères définissant une population prioritaire.
Lorsqu’ils viennent spontanément à la rencontre de bénévoles ou de salariés en charge des dispositifs d’aide au départ en vacances, les freins au départ ne sont pas à chercher du côté d’une éventuelle autocensure ("si je ne travaille pas, pourquoi j’aurais le droit de partir en vacances ?") mais plutôt du côté financier et/ou logistique et/ou méthodologique, etc. L’accompagnement proposé s’adaptera donc à ces freins.
Lorsqu’il s’agit pour les porteurs de projet de mobiliser les futurs vacanciers, le porteur de projet se demandera avant tout si la demande risque d’être plus élevée que le nombre de "places" disponibles. Si c’est le cas, il sera amené à cibler en priorité des personnes (par exemple, en fonction du fait qu’elles ne soient jamais parties en vacances et qu’elles n’ont pas d’opportunités cette année-là ; ou encore la possibilité que le projet vacances soit susceptible de débloquer des situations familiales ou personnelles en accord avec les missions de la structure),
L’enjeu va donc consister à adapter sa stratégie de communication. Une communication grand public (affichage, flyers, etc.) attirera le tout-venant (souvent les personnes les plus alertes et réactives) mais beaucoup moins les personnes les plus éloignées des vacances. À l’inverse une communication plus confidentielle (orientation par des travailleurs sociaux ou information délivrée à quelques personnes par le porteur de projet) réduira les risques de refuser du monde.
Dans tous les cas, ce qu’il faut retenir, c’est que le texte mobilise moins que les photos ou images, qui mobilisent elles-mêmes moins que l’oral (le bouche à oreille semble être de loin le plus efficace).
Diverses modalités peuvent être déployées en allant du tout collectif (pour créer du lien notamment et une émulation collective) au tout individuel (pour évoquer les questions budgétaires notamment) voire en croisant les deux. Ce temps est plus ou moins long en fonction du type de départ (collectif ou individuel) voire de l’âge des participants (les jeunes se mobilisant très peu de temps avant le départ et les familles plusieurs mois à l’avance).
Dans tous les cas, il semble nécessaire de bien connaître les attentes des participants pour les faire correspondre autant que faire se peut, aux possibilités de séjour (places disponibles, budget alloué, etc.). Par ailleurs dans le cas d’un départ en groupe ou en famille, cet échange permettra de lever tout quiproquo dommageable sur ce que chacun recherche pendant ses vacances. Enfin, certaines aspirations ne pouvant finalement pas être prises en compte, le porteur de projet pourra aider à réorienter le choix initial (le bord de mer remplacé par une grande piscine ou un lac par exemple).
Quant aux outils mis à disposition, un téléphone, un fax et un ordinateur connecté à internet semblent le strict minimum. Certains opérateurs vont jusqu’à se constituer une base documentaire avec des catalogues (par exemple ceux de grandes enseignes de campings ou de villages de vacances, ou encore de la documentation demandée auprès des Comités Régionaux de Tourisme). L’enjeu est ici d’ouvrir le champ des possibles pour sortir des destinations récurrentes (prisées donc plus chères) en proposant des photos attractives. L’idée est bien de surfer sur les rêves des futurs vacanciers pour préserver toute leur motivation. La concrétisation de ce rêve sera parfois possible, et dans d’autres cas, ils se rendront compte d’eux-mêmes que le budget ne le permet finalement pas et s’orienteront "naturellement" vers une autre destination. Le rôle du porteur de projet va consister à faire envisager les avantages et les inconvénients de chaque possibilité. Charge ensuite aux opérateurs d’inviter les participants à réserver.
Le trajet et le contenu du séjour sont alors abordés. Cela va des loisirs à prévoir sur place jusqu’au trousseau à emporter (les vacanciers novices ayant tendance à surcharger leurs bagages) en passant par les documents administratifs à ne pas oublier, etc.
Les opérateurs veillent à ce que tous les participants soient au courant de l’avancée du projet pour que chacun donne son avis et éviter toute déception une fois arrivé sur place :
Celui-ci se bâtit autour de la participation que peut apporter la famille ou le jeune. Généralement, les porteurs de projet évitent toute gratuité. Les candidats au départ ont des dépenses lorsqu’ils ne partent pas en vacances (alimentation, énergie, transport, etc.) Pourquoi ne pas réinjecter au moins ces sommes dans leurs vacances ? Par ailleurs, les opérateurs de terrain observent un lien entre l’investissement des participants et leur niveau de participation ("plus ils payent, plus ils s’autorisent à donner leur avis !") voire le niveau de désistements. Enfin, dans les faits, les participations directes vont très souvent au-delà de la "part alimentaire" et gravitent en moyenne entre 15 et 35 % des coûts engendrés par le séjour. Côté familles, les sommes sont généralement versées en plusieurs fois.
Au-delà de cette participation directe, des actions d’autofinancement sont mises en place (vide grenier, vente de boissons ou de plats, loto, etc). Ces temps collectifs permettent par ailleurs la valorisation de compétences et favorisent la cohésion du groupe (attention à bien définir au préalable avec les participants les règles de répartition des éventuels gains).
Les CAF ou MSA, l’ANCV… viennent compléter les ressources. Il convient de prendre contact avec les financeurs bien en amont pour voir dans quelle mesure le projet va dans le sens de leurs prérogatives et respecter les dates de dépôt de dossier.
En savoir plus : les aides financières
Côté dépenses, le transport (aller / retour et sur place), l’hébergement (sans oublier les frais de dossier ou d’adhésion, et la taxe de séjour), l’alimentation (si elle n’est pas prévue dans le mode gestion), les loisirs et les assurances éventuelles (annulation par exemple) coûtent en général entre 25 et 65 euros par jour et par personne. Évidemment, cette moyenne augmente avec la distance à parcourir, la formule d'hébergement (pension complète ou location), les dates de réservation (partir hors saison étant meilleur marché), etc.
C’est l’occasion de se retrouver lors d’un temps convivial (voire festif) pour échanger autour de cette expérience : les bons souvenirs voire les moins bons dont on rira souvent une fois passés ! Il s’agit aussi de prolonger ce moment de bonheur qu’ont représenté ces vacances passées en famille ou entre amis. Certains opérateurs organisent des concours photos ou répondent à ceux organisés par certains financeurs.
C’est aussi le moment de faire le point de ce que le projet a pu apporter (aux différents acteurs) et interroger le cadre qui a été proposé aux participants.
En ce qui concerne les éventuels impacts, certains pourront être évoqués en collectif, d’autres plus personnels, en individuel. L’idée étant d’aider les participants à verbaliser ce qu’ils ont vécu pour pleinement conscientiser les nouveaux atouts qu’ils possèdent pour aller plus loin… Et justement, forts de cette expérience réussie, ont-ils de nouvelles envies et de nouvelles perspectives (individuelles, collectives, familiales, etc.) ? Sont-ils prêts pour d’éventuels "ricochets" ? Prévoient-ils de "rebondir" seuls ou que vous les accompagniez dans ces nouvelles envies, ou encore attendent-ils de vous que vous les orientiez vers d’autres professionnels ?
C’est aussi l’occasion de vérifier si les participants se sont appropriés toutes les démarches pour préparer puis concrétiser un départ en vacances et la nécessaire anticipation que cela demande. L’enjeu étant de leur permettre de repartir sans l’aide du salarié ou du bénévole à court ou moyen terme.
Par ailleurs, l’opérateur ne pouvant être juge et partie, il s’agit pour lui de solliciter le point de vue des participants sur le cadre qu’il leur a proposé (y a-t-il eu assez de réunions de préparation, la place laissée à leur parole était-elle satisfaisante, etc.) et sur un éventuel lien de causalité entre les impacts évoqués plus haut et ce projet. A-t-il réussi à lever tous les freins rencontrés par les participants (appréhension, autocensure, budget, méthode de préparation, etc.) ?